Alternative Rock by Collectif

Auteur:Collectif [Collectif]
La langue: fra
Format: epub
Tags: SF
Éditeur: Gallimard
Publié: 2014-04-30T22:00:00+00:00

3.

Au sommet de la falaise l’herbe était aussi régulière que sur un terrain de golf. La mer soupirait en contrebas. Jimi et Mo étaient d’humeur joyeuse et chahutaient comme des gosses.

En face d’eux, le long de la courbe de la baie, ils voyaient les pylônes, les manèges et les galeries de jeux de Morecambe, mais les lieux étaient déserts et seul le cri occasionnel d’une mouette troublait le silence.

Mo rit puis hurla en voyant Jimi danser au bord du vide.

« Fais pas le con, Jimi !

— Merde, mec. Rien ne peut me tuer. »

Il arborait un large sourire euphorique et pétait la forme. « Rien ne peut tuer Jimi, mec ! »

Mo le revit sur scène. Une maîtrise de soi absolue. Il se déplaçait sous les strobos en tendant sa guitare devant lui pour désigner chaque membre de l’assistance et lui donner l’impression de communier avec lui.

« Tout juste ! » Mo se mit à glousser.

Au ras de la falaise, Jimi vacillait et battait des bras. « C’est moi qui les fais danser. Oh, mec ! Ils ne peuvent rien me faire !

— Tout juste ! »

Jimi plongea sur l’herbe à côté de Mo, essoufflé et souriant. « Ça revient, Mo. Tout nouveau tout beau. »

Mo gloussait toujours.

« Je sais, mec. »

Mo leva les yeux. Il y avait des mouettes de partout. Elles hurlaient. Comme des spectateurs hystériques. Elles lui inspiraient de la haine. Elles étaient trop nombreuses.

« Fais gaffe à ne pas avaler leurs putains de plumes », dit-il, brusquement maussade. Il se redressa et retourna vers la camionnette.

« Eh, qu’est-ce qui te prend, Mo ? »

Jimi s’inquiétait pour lui, ce qui alimenta sa déprime. Jimi avait été victime de sa gentillesse, la fois précédente. Il ne voulait blesser personne. C’était plus fort que lui. Des mecs vraiment accros l’avaient exploité. Ils l’avaient sucé jusqu’à la moelle.

« Ils te baiseront encore, mec, dit Mo. Je le sais. Chaque fois. Et tu n’y peux rien. Tu auras beau recharger tes accus, ça ne les empêchera pas de pomper toute ton énergie et d’en réclamer davantage. Ils veulent ton sang, mec. Ils veulent ton sperme, tes os et ta chair. Ils t’auront, mec. Ils te dévoreront encore.

— Non. Je… Non, pas ce coup-ci.

— Bien sûr que si ! ricana Mo.

— Tu cherches à me faire flipper ? »

Mo commençait à avoir des tics. « Non. Mais…

— Ne te bile pas pour moi, okay ? » La voix de Jimi était à la fois douce et ferme.

« Je ne trouve pas de mots pour m’exprimer, Jimi. C’est comme une… une sorte de prémonition, si tu vois ce que je veux dire.

— À quoi servent les mots ? fit Jimi en riant. Tu es dingue, Mo. Viens, remontons dans le camping-car. Où as-tu envie d’aller ? »

Mais Mo ne répondit pas. Il s’assit au volant pour contempler la mer et les mouettes à travers le pare-brise.

« Écoute, Mo, je vais rester cool, d’accord ? Je compte prendre mon temps. Tu penses peut-être que je n’ai pas besoin de toi ? »

Mo se demandait pourquoi il était si déprimé.

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